Le christianisme unitarien, Michel Servet

et les Témoins de Jéhovah

par Philippe Barbey, Focus sociologique, juin 2005.

Conférence donnée par Philippe Barbey, Diplômé de Sciences des religions de

l’École Pratique des Hautes Études - Sorbonne, le mardi 09 septembre 2003,

19h30, à l’Espace L’Harmattan, 13, rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris.

 

Claude Langlois, Président de la Section des Sciences religieuses[1], Directeur de l’École doctorale et Jean-Daniel Dubois, Directeur du Diplôme d’Études Approfondies de l’École Pratique des Hautes Études[2], posent la question[3] : « Dans un monde où les religions constituent tout à la fois le bien patrimonial de l’humanité, des lieux privilégiés de transmission des croyances, des formes traditionnelles ou nouvelles de manifestations identitaires, quel peut être le rôle d’une institution qui se donne, avec fermeté et obstination, comme seul et unique objectif, une étude scientifique des religions, passées et présentes ? . Et répondent : « (…) La section des Sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études bénéficie de plusieurs atouts manifestant sa spécificité, plus que jamais nécessaire pour répondre à la demande sociale et aux exigences scientifiques. Elle dispose d’une longue pratique de plus d’un siècle d’étude systématique des religions[4], elle bénéficie d’une réelle originalité institutionnelle[5] ; elle occupe une position singulière dans les manières d’aborder, tant en France qu’à l’étranger, l’étude des religions[6] ; enfin elle se situe au centre d’un réseau complexe de relations grâce aux liens qu’elle a tissés avec les autres organismes d’enseignement et de recherche, qui donnent aussi la priorité à l’étude des religions.»[7] 

 

Pour résumé, Claude Langlois et Jean-Daniel Dubois expliquent l’objectif final de la section des Sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études [8]: « Dans un monde où les manifestations religieuses troublent et inquiètent, attirent et fascinent, se transforment et perdurent, il est plus que jamais nécessaire de leur porter une attention patiente, aiguë et renouvelée dans le cadre d’une institution scientifique destinée à en prendre la mesure avec attention et rigueur, distance et compréhension ».

 

De son côté, Monsieur Jean-Paul Willaime, Directeur d’Études à l’École Pratique des Hautes Études et Directeur du Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité, explique : « Si chaque religion est un univers complexe et diversifié qui se déploie dans le temps et dans l’espace, le monde des religions, a fortiori, l’est encore plus. Le chercheur en sciences des religions, devant une telle diversité, est obligé de se spécialiser dans l’exploration d’un univers religieux déterminé : il n’y a de comparatisme possible qu’à partir de l ‘analyse pointue d’univers religieux particuliers »[9]. « Tout groupe religieux, aussi minoritaire et non-conformiste soit-il, s’inscrit dans l’économie générale des rapports sociaux qui caractérisent une société. »[10]

 

C’est pourquoi le présent exposé désire s’arrêter sur le christianisme unitarien, ses rapports avec Michel Servet et l’appartenance des témoins de Jéhovah à cette famille chrétienne antitrinitaire française. En effet, ce petit rameau du grand arbre chrétien[11] a été longtemps ignoré.


Bref historique de la recherche sur l'unitarisme et les Témoins de Jéhovah

Kot, dans Le mouvement antitrinitaire au XVIe et au XVIIe siècle, publié dans Autour de Michel Servet et de Sébastien Castellion à l’université d’Amsterdam en 1953, tente d’en comprendre les raisons : « Bien des causes différentes ont contribué au fait que l’histoire de l’antitrinitarisme, de son évolution et de son action n’a pas encore été approfondie comme il convient. Aucune des Églises qui ont combattu violemment ce mouvement n’a cherché à en retracer les étapes successives, même après avoir adopté (ou peut-être à cause de cela) dans des phases ultérieures de son développement certaines des doctrines contre lesquelles elle s’était jadis élevée. Les historiens confessionnels ne lui donnèrent jamais leurs sympathies, le considérant comme par trop hérétique, trop nuisible dans le passé et trop dangereux à cette époque pour leurs propres Églises. Aux yeux des libre-penseurs il est, au contraire, trop teinté de religiosité. D’autre part, la tâche des chercheurs est rendue difficile par la rareté et la dispersion des sources, peu accessibles par ailleurs. »[12]


Et de fait, les sources sur les Témoins de Jéhovah, et les autres groupes chrétiens antitrinitaires d’ailleurs, sont très éparpillées. Les Témoins de Jéhovah sont cités dans de nombreux ouvrages mais la plupart du temps à titre anecdotique ou pour signaler simplement leur existence.

 

Il faut surtout signaler les travaux de Monsieur Régis Dericquebourg, psychosociologue, Maître de Conférences à l’Université de Lille 3 Charles de Gaulle, le spécialiste français des Témoins de Jéhovah. Il leur consacre sa thèse intitulée Les Témoins de Jéhovah ; Dynamique d’un Groupe Religieux ; Rapport à l’Institution. Essai de Description Psychosociologique, thèse soutenue à la Sorbonne en 1979.

 

Il convient aussi de relever le livre de Monsieur Bernard Blandre, agrégé d’histoire, intitulé Les Témoins de Jéhovah, paru en 1991 dans la Collection Fils d’Abraham des Éditions Brepols, et celui de Monsieur Massimo Introvigne, docteur en droit, traduit de l’italien par Philipe Baillet, paru en 1990 dans les BREF des Éditions Cerf-fidés.

 

En outre, il faut rappeler ici le livre très important de Monsieur Guy Canonici, Directeur de recherches du Cercle Européen des Témoins de Jéhovah Anciens Déportés et internés, paru aux Éditions Albin Michel en 1998 et intitulé Les Témoins de Jéhovah face à Hitler. Ce livre, préfacé par Monsieur François Bédarida, grand historien disparu en septembre 2001, rappelle en détail le destin oublié des Témoins de Jéhovah victimes de la barbarie nazie durant la seconde guerre mondiale et éclaire d’un jour nouveau ce combat de la conscience et de la foi unitarienne contre une idéologie totalitaire et cruelle.


Enfin, c’est en 2003 que parait l’ouvrage Les Témoins de Jéhovah, Pour un christianisme original dans la Collection religion & sciences humaines des Éditions l’Harmattan, Collection dirigée par Monsieur François HOUTARD, Directeur du Centre Tricontinental à Louvain-la-Neuve en Belgique. Ce dernier livre retrace la thèse de Diplôme de l’École Pratique des Hautes Études consacrée à ce sujet et intitulée Les Témoins de Jéhovah, La survivance du christianisme antitrinitaire : Une résistance spirituelle pour la foi en un Dieu unique, thèse soutenue en octobre 2001 à l’Institut de Rrcherche sur les Sociétés Contemporaines dans le cadre des travaux du Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité. Cette soutenance était présidée par Madame Valentine ZUBER, Maître de conférences en histoire et sociologie de la laïcité à l’École Pratique des Hautes Études, dont les écrits sur la tolérance et Michel Servet font désormais autorité.


Ces travaux seront ensuite présentés par Monsieur Antoine FAIVRE, Directeur d’Études émérite à l’École Pratique des Hautes Études lors de la cérémonie de clôture de l’année académique de la Section des Sciences religieuses le jeudi 20 juin 2002.


 Pour finir cette très brève description de l’état de la recherche sur le christianisme unitarien et les Témoins de Jéhovah en particulier, il faut rappeler la contribution importante et décisive de Monsieur Jean Baubérot, historien, sociologue, Directeur de la Cinquième section de l’École Pratique des Hautes Études qui, dans son livre paru en 1998 aux Éditions du Seuil, pose la question provocante Le protestantisme doit-il mourir ?

 

Selon Aart de Groot, historien de l’Église à l’Institut théologique d’Utrecht, l’affirmation de la Trinité comme la pierre angulaire de la foi chrétienne n’est pas pour rien dans l’occultation du christianisme unitarien : «  En posant de prime abord la confession trinitaire de l’Una sancta, ne ferme-t-on pas la porte à d’importantes parties de la chrétienté ? Lorsqu’on me dit que des chrétiens ont témoigné au prix de leur vie du Dieu trinitaire, mon regard se porte immédiatement vers les martyrs qui ont été persécutés et qui moururent parce qu’ils ne pouvaient pas accepter cette confession. »[13].


Cette forme de discrimination devant l’histoire est difficilement recevable dans le cadre d’une démarche à caractère scientifique. Mais venons-en à l’histoire du christianisme antitrinitaire

 

1. L’Histoire du christianisme antitrinitaire 

Jésus, fils de Joseph, naît de parents israélites de religion juive, et il est circoncis le huitième jour conformément à la loi de Moïse[14]. Il devient alors membre de la communauté judaïque. Puis, quand quarante jours se sont écoulés et toujours selon les prescriptions de la torah, ses parents le présentent au temple de Jérusalem pour offrir un sacrifice de purification cérémonielle. Dès qu’ils ont accompli leurs obligations rituelles, les parents de Jésus vont l’élever dans leur ville de Galilée, Nazareth[15] et chaque année, selon la coutume, ils l’emmènent à Jérusalem pour la fête de Pèssah (La Pâque)[16], la commémoration rituelle de la libération d’Égypte du peuple hébreu. A douze ans, Jésus devient Bar Mitzwa, c’est à dire fils de la tradition et par là, confirme son appartenance à la communauté religieuse juive[17].

 

Jésus assiste régulièrement avec sa famille aux offices religieux tenus chaque sabbat dans la synagogue de Nazareth. Il est bien instruit dans la foi juive comme l’atteste sa capacité à trouver, lire et commenter des passages des Écritures Saintes[18].

 

Jésus a environ trente ans[19] quand il vient à la rencontre de son cousin Jean surnommé Baptiste ou le baptiseur, l’immergeur. Jean est reconnu par le peuple juif comme un prophète. D’ailleurs, il s’habille comme un prophète d’une veste de poils de chameau et d’une ceinture large[20]. Jésus est baptisé par Jean dans les eaux du Jourdain. « Cette pratique était aussi d’origine juive » nous explique le dictionnaire biblique Le Monde de la Bible[21], qui poursuit : « pendant la période intertestamentaire, les prosélytes (convertis au judaïsme) étaient baptisés (ou immergés) généralement dans la rivière la plus proche, en signe de purification (…). » Par cet acte chargé de symbole, Jésus marque le début de son ministère rabbinique.[22]

 

Jésus, Christ, Messie, adore son Dieu, un Dieu strictement Un, le Dieu des juifs. Qui est ce Dieu, comment s’appelle cette divinité ? La Bible hébraïque n’ignore pas le nom de Dieu. Elle l’utilise même extrêmement souvent, des milliers de fois dans ses pages[23]. Les plus anciens manuscrits hébreux présentent le nom de Dieu sous la forme de quatre consonnes (l’hébreu archaïque s’écrivant sans voyelles) qu’on appelle communément le tétragramme, c’est à dire en grec ‘les quatre lettres’ (tétra-gramma). Ces quatre lettres hébraïques Yod, Hé, Waw, Hé (qui s’écrivent en hébreu de droite à gauche) peuvent être transcrites par YHWH.[24] Si on est sûr de ces consonnes, il a fallu un long processus pour retrouver la vocalisation du Nom.

 

Dans la deuxième moitié du premier millénaire après J.C., des érudits juifs inventent un système de points-voyelles permettant de vocaliser leur langue écrite. Ces Massorètes, c’est ainsi qu’on les appelle, lorsqu’ils rencontrent les quatre lettres du nom de Dieu, insèrent les voyelles des mots ‘Adhonay (en hébreu « Souverain Seigneur ») ou ‘Elohim (« Dieu ») pour rappeler au lecteur de ne pas prononcer le vrai nom de Dieu.[25]

 

Monsieur Gérard Gertoux, hébraïsant, dans son ouvrage exhaustif consacré au nom de Dieu et intitulé Un historique du nom divin paru aux Éditions L’Harmattan en 1999 [26], explique que « C’est grâce à ces remarques, comprises par les hébraïsants seulement vers la fin du 12e siècle, que les érudits chrétiens retrouvèrent la prononciation du Nom (…). »

 

En effet, grâce aux noms théophores, il était facile de retrouver la prononciation exacte du saint Nom. De nombreux juifs de l’antiquité, cités dans la Bible hébraïque, portent des noms contenant en eux-mêmes le nom propre de Dieu d’où théophores). Les formes Yehô (par préfixe), (par contraction), Yah (par diminutif) et Yahou (la forme abrégée) se retrouvent très souvent dans ces noms personnels [27] comme par exemple IeHoSHoua’ pour Josué ou Jésus, ou encore IRMeYaHou pour Jérémie. Le nom de Dieu se retrouve donc dans ces noms théophores (il en existe bien sûr des centaines d’autres), vocalisé par  les Massorètes puis influencé par la voyelle o, cela donne pour le nom de Dieu lui-même : YHWH, IeHoVaH,en français classique Jéhovah.


Ainsi, Jésus, juif, issu de parents juifs, adorent le Dieu des juifs, un Dieu Un et non multiple, Jéhovah. Les racines du christianisme sont profondément juives.


Ainsi, quand Jésus remonte de l’eau, baptisé par son cousin dans le Jourdain, il devient le Messie, Christ (‘élu, choisi ou oint’) que les Juifs attendent, celui qui doit ouvrir une nouvelle ère de paix pour Israël. Il a alors une trentaine d’années, en l’an 29, la quinzième année du règne de Tibère César [28]. Et Jésus accepte cette nouvelle manière d’être Juif. Il vient de refonder le messianisme en continuation de la religion que les Juifs considèrent comme la plus ancienne de toutes, celle consacrée à Jéhovah. Jésus le Messie met l’accent sur la nécessité d’exercer la foi en Dieu et continue la tradition monothéiste du Judaïsme [29]. Il  enseigne qu’il n’y a qu’une seule vraie foi [30]. Il prêche à tous que ‘le Royaume de Dieu est tout proche[31] et demande à ceux qui l’écoutent d’avoir foi dans cette bonne nouvelle ou évangile [32].

 

Le plus grand commandement que Jésus le Messie rappelle, c’est : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » [33], citant en cela un verset de l’Ancien Testament [34] : « Tu aimeras Jéhovah, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Et en second lieu, il prêche qu’il faut manifester un amour actif pour son prochain, « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes. » [35] 

 

Bien que lui-même limite sa prédication principalement aux Juifs, il encourage ses disciples, d’abord 12 apôtres (envoyés) [36] puis 70 disciples (élèves) [37], à ‘faire eux-mêmes des disciples de toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce qu’il leur a prescrit[38].

 

Son ministère dure environ trois ans jusqu’à sa mort en martyr. Ses 12 apôtres, enseignés directement par le Messie lui-même durant cette période, deviennent le fondement d’une religion nouvelle appelée d’abord « La Voie »[39] et qui s’inaugure à la Pentecôte qui suit la mort de Jésus.

 

Peu après le martyr du Messie Jésus vers la fin du premier tiers du premier siècle, 120 de ses disciples se réunissent dans une pièce à l’étage à Jérusalem. D’après le texte des Actes des Apôtres, ils reçoivent par effusion le saint esprit de Dieu, c’est à dire dans la compréhension des Juifs l’énergie de Jéhovah, leur Dieu. Cette nouvelle force qu’ils acquièrent les pousse à remplir Jérusalem de leur prédication concernant Jésus ressuscité et l’évangile du Royaume de Dieu ; et de nombreux juifs de la diaspora (de la dispersion) venus à Jérusalem pour célébrer les fêtes de Pâque et de Pentecôte, se convertissent. Et le message du Messie se répand comme une traînée de poudre lorsque ces nouveaux disciples  retournent chez eux [40]. Cependant, beaucoup d’entre eux sont toujours attachés aux rites du Judaïsme quoique ayant reconnu Jésus comme le Messie annoncé dans les Prophètes. Mais, la Voie va s’émanciper progressivement de la Loi mosaïque, « on ne met pas du vin nouveau dans des outres vieilles» [41] avait déclaré le Christ.

 

Les disciples continuent de prêcher l’évangile avec beaucoup d’ardeur et les assemblées locales se multiplient. Une nouvelle religion se structure sur le fondement des apôtres. Pierre, à qui Jésus son Maître a remis les clés symboliques de la compréhension du message évangélique [42], sera le pionnier de la prédication auprès des non-juifs ; d’abord les Samaritains puis des gens de toutes nations à commencer par un capitaine de l’armée romaine, un certain Cornélius, centurion d’une cohorte dite « italienne »[43].


Très vite, le message du Christ déborde ses rives juives pour inonder le monde romain. Pierre prêche même aussi loin qu’à Babylone et surtout dans les communautés juives mais il n’existe pas de traces dans le Nouveau testament d’une visite à Rome de sa part [44]. De son côté, Paul, alias Saul de Tarse, converti sur le chemin de Damas, accomplit plusieurs voyages missionnaires en Asie et en Europe où il fera de nombreux disciples [45].


Cette cohabitation dans les congrégations locales de disciples d’origine juive et d’autres d’origine non-juive va cependant soulever une controverse menaçant l’unité de la jeune Église. Certains judaïsants dans la congrégation affirment qu’il faut que les nouveaux convertis d’origine païenne se fassent au moins circoncire selon les rites de la foi juive. Le Messie, pensent-ils, n’est-il pas venu accomplir la loi ?


Une discussion assez serrée s’engage à ce sujet dans l’assemblée d’Antioche de Syrie, la plus ancienne des Églises après celle de Jérusalem. « Si vous ne vous faites pas circoncire selon la coutume de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés », disent les uns. « Le salut ne réside-t-il pas dans le Messie plutôt que dans la circoncision », réfutent les apôtres Paul et Barnabé [46].

 

Il est décidé que la question sera débattue devant un concile apostolique qui se réunit effectivement, premier de l’histoire des conciles, à Jérusalem vers l’an 49. C’est le disciple Jacques qui préside les débats et la question est ensuite tranchée : la circoncision n’est pas obligatoire pour les nouveaux convertis issus du monde païen [47]. Il faut cependant, et une lettre circulaire envoyée aux congrégations l’affirme, que ces chrétiens, puisque c’est ainsi que dorénavant on appellera les disciples du Christ, s’abstiennent soigneusement de la fornication et du sang [48]. La question de la nature de Dieu n’est pas du tout évoquée et ne se pose même pas. Le Dieu des chrétiens est le même que celui des Juifs : Jéhovah. On évoque encore moins une quelconque conception tripartite de la personne de Dieu.

 

En ce qui concerne l’apôtre Paul, le témoignage des Actes des Apôtres et des lettres pauliniennes est formel : l’apôtre des nations ne fait aucune allusion à un quelconque Dieu trin. Pharisien, Hébreu né d’Hébreux, de la tribu de Benjamin[49], son Dieu est celui de ces ancêtres, même si ses adversaires l’accusent d’appartenir à une secte juive, la secte du Nazaréen [50]. Jusqu’à sa venue à Rome où il meurt en martyr, supplicié vers l’an 67 de notre ère sur l’ordre de l’Empereur romain Néron [51] (initiateur d’une persécution sauvage des chrétiens, persécution qui va se poursuivre, par vagues successives, tout au long des trois premiers siècles de notre ère), Paul de Tarse maintient le même message vigoureux : « Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. »[52]

 

L’apôtre Jean survit au groupe des douze. Il est exilé par l’Empereur Domitien sur l’île pénitentiaire de Patmos, et c’est durant cet emprisonnement qu’il écrit un message saisissant d’une grande portée [53] : l’Apocalypse, qui réaffirme l’attente millénariste d’un règne du Christ sous lequel le monde trouvera enfin la paix et le bonheur. Mais il ne parle pas du tout d’une notion même de Trinité. Après avoir été relâché par l’Empereur Nerva, il meurt, dernier de tous, à Éphèse en Asie mineure, vers l’an 100, sous l’Empereur Trajan.

 

Ainsi, le fondement apostolique avait été suffisamment solide pour promouvoir la religion du christ à une échelle internationale et au moins sur trois continents : l’Asie, l’Afrique et l’Europe et ce, dès le premier siècle.

 

En résumé, au premier siècle, Jésus désormais Christ réaffirme la foi juive mais dans une redécouverte chrétienne. L’unicité de Dieu est réaffirmée comme dans le Shema Israël. Jésus-Christ, fils de Dieu, ne dit jamais qu’il est Dieu lui-même. Il meurt supplicié par les Romains, avec le soutien d’une partie du peuple juif, sous le gouverneur Ponce Pilate sous l’accusation de s’être fait roi des juifs, mais pour le Sanhédrin, de s’être fait fils de Dieu [54].

 

La notion de Trinité n’apparaît aucunement dans le Nouveau testament. « Finalement, quatre récits [de la vie du Christ] furent reconnus comme authentiques dans la communauté chrétienne : », explique Monsieur Pierre Liégé [55], « celui de Matthieu, celui de marc, celui de Luc et celui de Jean. En rédigeant la première catéchèse chrétienne, telle qu’elle circulait dans les diverses communautés, les auteurs ont voulu doter ces communautés de leurs archives évangéliques pour servir de catéchismes et de livres liturgiques, afin de fixer de façon stable la mémoire des origines. » Or, la Trinité, il fait bien l’admettre, ne fait pas partie de cette « mémoire des origines ».

 

La communauté chrétienne du premier siècle est soumise à d’intenses persécutions. Et le deuxième siècle ne s’annonce pas meilleur sous ce rapport. Dans le même temps, les chrétiens fixent progressivement les textes laissés par les apôtres et les premiers disciples du Christ. Ils vont même les relier sous forme de codex ou de livres, beaucoup plus pratiques que les rouleaux. Le Nouveau testament naît. Dans ses pages, les rapports avec les païens avaient été clairement définis. Cependant, l’influence des non-juifs va peu à peu se faire sentir jusque dans une question théologique aussi capitale que la définition de la personne même de Dieu, question que les Juifs et les premiers chrétiens Juifs ne se posaient pas.[56]

 

A ce propos, Edwin Hatch dans L’influence des idées grecques sur le christianisme fait remarquer : « A l’origine, dans la sphère d’influence du christianisme, il ne semble pas que l’on soit allé bien au delà de ces conceptions toutes simples. La doctrine sur laquelle on insistait était que Dieu est, qu’Il est un, qu’Il est tout-puissant et éternel, qu’Il a fait le monde, que Sa miséricorde est sur toutes ses œuvres. On n’avait aucun goût pour la discussion métaphysique. »

 

Dès le deuxième siècle cependant, deux courants chrétiens vont progressivement se former sur la question de la nature de la personne de Dieu. Pierre Liégé l’explique : « (…) Sans rompre aucunement avec le farouche monothéisme juif, il laisse entrevoir que ce monothéisme se structure en une communauté d’existence divine : le Père, le Fils, le saint-Esprit, trois personnes divines (et non pas trois dieux), engagés dans l’histoire du salut des hommes selon une succession qui les fait identifier : le Père créateur, le Fils sauveur, l’Esprit animateur. »[57]

 

Au troisième siècle, le Symbole des Apôtres, « qui ne constitue pas un résumé complet de la doctrine chrétienne, mais en constitue l’essentiel, puisqu’on le remettait au catéchumène, futur baptisé, comme aide-mémoire pour sa confession de foi »[58] ne formule toujours pas la Trinité. Cette ancienne déclaration de foi chrétienne réaffirme le monothéisme strict des premiers judéo-chrétiens (« Je crois en Dieu, Père tout-puissant »), et la filiation du Fils.

 

Cependant, Monsieur Henri-Irénée Marrou dans son ouvrage L’Église de l’antiquité tardive rappelle qu’à cette même époque, « (…) au point de vue spirituel (…) l’Église amoindrit la qualité des recrues, à ne considérer que la masse : nous constatons bien des infiltrations du paganisme ambiant, des contaminations, des compromis. »[59] 


Le christianisme est d’ailleurs rudement concurrencé. « Le christianisme doit affronter certaines religions orientales païennes qui ont aussi le vent en poupe. (…) Principaux concurrents du christianisme : le culte d’Isis, emprunté à l’Égypte, et le culte de Mithra, venu d’Iran. »[60] 

 

Selon Henri-Irénée Marrou, « Le christianisme recrute encore avant tout ses fidèles dans les provinces orientales (…) où le grec sert de langue de culture : un des noyaux les plus vigoureux est représenté par l’Égypte, puissamment animé par la métropole d’Alexandrie, la plus grande ville de l’Empire après Rome, dont l’autorité s’impose impérieusement à la multitude de petites églises qui s’égrènent dans le plat pays, du Delta à la Thébaïde (…). »[61]

 

Alexandrie, elle-même, (d’où partira la controverse chrétienne) porte encore tout le poids de la culture égyptienne antique et la trace profonde des dieux anciens. Quelle était la conception du monde des Égyptiens ? « Leur conception du monde souffrait plusieurs vérités, et leur approche syncrétique de la religion permettait à une infinité de dieux de coexister en harmonie. Lorsque les divinités locales telles que Ptah ou Rê, qui était le dieu du soleil à Héliopolis, acquéraient une importance nationale, elles empruntaient souvent leurs attributs à d’autres dieux. Loin d’évincer Rê, son rival, le dieu thébain Amon s’est confondu avec lui. »[62]


Sur de nombreux bas-reliefs, on voit souvent des personnages divins groupés par trois. Par exemple, trois divinités sont liées au cycle d’Osiris : Isis, sa sœur Nephthys et Khnoum, le dieu à tête de bélier.[63] Le dieu-soleil reste néanmoins le dieu le plus spécifique de l’Égypte.

 

Le syncrétisme religieux de ce temps est flagrant et le panthéon égyptien, peuplé de trinités, a toujours une forte influence. « (…) On observe tour à tour une assimilation par équivalence (Athéna, c’est aussi l’Hécate infernale, la Lune, reine du ciel, la Minerve ou même la Cérès des Latins, l’Isis des Égyptiens…) ou une hiérarchisation subordinatianiste (le Soleil, comme dieu visible, intermédiaire entre les hommes et le Dieu suprême dont il est une image sensible). C’est dans ce contexte religieux qu’il faut situer l’idéologie impériale du Bas-Empire »[64], affirme le professeur Marrou.

 

Ainsi, il est impossible de ne pas mettre en perspective l’émergence de la trinité chrétienne avec le fonds religieux égyptien d’Alexandrie dont Arius et Athanase, principaux protagonistes de la controverse chrétienne, sont originaires, et la personnalité et les croyances de l’Empereur Constantin qui convoque le concile de Nicée pour régler cette même controverse.

 

Constantin 1er le Grand (né à Naissus, entre 270 et 288, mort à Nicomédie, 337 ap. J.C.), empereur romain, règne de 306 à 337 [65]. C’est lui qui réunifie l’empire romain et qui fonde ensuite une seconde capitale, Constantinopolis, la ville de Constantin, Constantinople, sur les rives du Bosphore, ville qui s’appelait auparavant Byzance, et maintenant Istanbul [66]. C’est ce même Constantin qui accorde, en 313, la liberté aux chrétiens de son empire et qui se fera lui-même baptiser, à la veille de sa mort, en 337.

 

Pourquoi ce même Constantin, Empereur païen du Bas-Empire romain, se mêlera-t-il de la question chrétienne éminemment théologique de la personne de Dieu le Père et de celle du Fils? Henri Irénée Marrou rappelle le contexte politique d’alors : « Après sa victoire sur Licinius (sept.324), Constantin achève d’étendre sa domination à tout l’Empire romain en annexant les provinces orientales. Il y trouve les Églises chrétiennes profondément divisées (…) surtout par les contestations entre partisans et adversaires d’Arius (…) soutenu par bon nombre de théologiens faisant autorité, évêques en Palestine ou en Asie Mineure. (Constantin) envoya son conseiller ecclésiastique, l’évêque espagnol Ossius de Cordoue, enquêter sur la situation à Alexandrie. Vu l’intensité de la querelle, il lui parut nécessaire de convoquer un concile œcuménique, [rassemblant les évêques de l’ensemble de la chrétienté](…). »[67]

 

C’est ainsi que la controverse chrétienne devient une affaire politique sur fond de défense de la cohésion de l’Empire romain. La philosophie grecque, dont l’influence est grande à cette époque, ne reste pas non plus étrangère à la querelle théologique. Les croyances païennes font elles aussi sentir leur influence sur le dogme naissant. L’Église cherche en effet à dogmatiser la foi chrétienne.

 

C’est une Église, désormais catholique (qui voudra s’affirmer comme « universelle » à l’Empire romain, sauvant ainsi son unité au moins religieuse) et romaine (présidée par l’Empereur de Rome lui-même) qui sortira du creuset des discussions théologiques âpres sur la question de la personne de Dieu. On ne peut que constater que le corpus théologique dogmatique arrêté par les conciles du quatrième siècle ressemble plus à un syncrétisme culturel et religieux qu’au pur message évangélique du christianisme premier.

 

L’affirmation progressive de la doctrine de la « Sainte Trinité » provoque aussi la résistance d’une frange chrétienne désormais farouchement antitrinitaire. Ainsi, en même temps que naît le christianisme trinitaire, s’affirme le christianisme antitrinitaire. Les deux traditions sont donc, et par définition, au moins aussi anciennes. La croyance trinitaire a d’ailleurs bien du mal, même exposée dogmatiquement par les conciles, à s’affirmer. Les empereurs de Rome hésitent. Les peuples barbares restent longtemps très majoritairement ariens, antitrinitaires.

 

En tous les cas, pendant que le trinitarisme n’en finit pas, de discussions théologiques en discussions théologiques compliquées, de tirer les conséquences doctrinales du dogme de la Trinité, l’antitrinitarisme survit. Alors que la majorité des chrétiens bascule finalement dans le trinitarisme, l’antitrinitarisme désormais minoritaire et par conséquent combattu puis cruellement persécuté, continue de résister.

 

La fidélité des chrétiens antitrinitaires à la foi en un Dieu unique va leur coûter cher et inquiète l’Église catholique romaine, figée dans ses dogmes et de plus en plus éloignée du texte de la Bible, fixé désormais en latin, langue officielle de l’Église impériale mais progressivement inconnue du petit peuple. Des dissidents, issus du sein même de l’Église catholique pour la plupart, continuent à vouloir affirmer la supériorité des Écritures sur les Dogmes, y compris celui de la Trinité.

 

Des groupes sporadiques arrivent même à se structurer. Si bien qu’à la réforme, le courant chrétien antitrinitaire, réaffirmant un Dieu unique, est représenté particulièrement en Espagne, en Italie et en Pologne. Et même si le mouvement réformateur principal opte, non sans discussions, pour le trinitarisme, une branche minoritaire protestante antitrinitaire continue, malgré l’opposition et les persécutions à la fois des catholiques et des protestants majoritaires, de prêcher le Dieu unique et Tout-puissant, Père de Jésus le Fils subordonné à son Dieu Créateur. Dans cette affirmation chrétienne têtue, émerge la figure emblématique de Michel Servet.

 

2. La réforme : Michel Servet contre la Trinité

Le 31 octobre 1517, Martin Luther [68] embrase le monde religieux quand il s’en prend à la vente des indulgences en affichant une liste de 95 protestations à la porte de l’église de Wittenberg. En réponse aux attaques de Luther, l’Église l’excommunie. Cédant à la pression du pape, le saint empereur romain Charles Quint bannit Luther. Il s’ensuit une controverse telle qu’en 1530 la diète d’Augsbourg est réunie pour discuter de la question. Les tentatives de compromis ayant échoué, on établit les grandes lignes d’une profession de foi luthérienne. Appelée Confession d’Augsbourg, elle marque la naissance de la première Église protestante.

 

C’est dans ce contexte que Michel Servet, né en 1511 [69], médecin et théologien d’origine espagnole, publie en 1531 un pamphlet antitrinitaire le De Trinitatis Erroribus [70]. « Né en Espagne, à Villanueva de Sigena (province de Huesca) – et, à ce titre, connu sous le nom de Michel de Villeneuve-, Servet fit ses études à Saragosse et à Toulouse, puis gagna l’Italie ; secrétaire du confesseur de Charles Quint, il suivit ce dernier à Augsbourg et dès lors, en différentes villes d’Allemagne, rencontra plusieurs des réformateurs : Melanchthon, Bucer, Oecolampade, Capiton. »

 

Valentine Zuber, dans son article Pour en finir avec Michel Servet, publié au Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, Tome 141, explique à propos du De Trinitatis Erroribus : «  Son premier livre (Michel Servet, De Trinitatis Erroribus…, Johannes Setzer éd., Haguenau, 1531), paru alors qu’il n’avait que vingt ans, s’est attaché à démontrer que le dogme de la Trinité n’a aucun fondement dans les Écritures. »

 

Michel Servet écrit encore d’autres livres dans le but de prouver que l’enseignement des Églises sur la Trinité n’est pas biblique. « S’étant lié à Paris avec Calvin, il entretient avec lui une correspondance théologique, dont le dogme de la Trinité est l’objet principal ; les objections et réfutations de Calvin n’entament pas ses convictions. La Christianismi restitutio qu’il publie anonymement à Vienne en 1553 apparaît, dans son titre même, comme une réplique à l’Institution de Calvin. »[71]

 

Ainsi Servet déclare: « La Trinité, le baptême des enfants et les autres sacrements chers à la papauté sont des enseignements de démons. » Au lieu d’une doctrine dont les termes mêmes, Trinité, hypostase, personne, substance, essence, ne sont pas tirés de la Bible mais inventés par des philosophes chrétiens, il désire amener les hommes à mettre leur foi en un Dieu vivant, en un Christ divin qui avait bien existé et en un Esprit saint à l’œuvre pour toujours dans le cœur des humains. Il croit que ces trois sont un, mais seulement au sens où l’entend le passage de l’évangile selon saint Jean chapitre 17, verset 21, et il voit en l’esprit saint, non une personne, mais la force agissante de Dieu.

 

Dans ces premières années de la Réforme, catholiques et protestants se vouent une haine mortelle; pourtant, ils sont unis par une haine encore plus grande vis-à-vis de cet homme. Le crime de Michel Servet s’appelle hérésie. Michel Servet doit mener une vie de fugitif. Son procès, organisé par les autorités catholiques de Vienne, en Isère, vient de tourner en sa défaveur; celles-ci savent qui il est: leur grand ennemi, Jean Calvin, chef du protestantisme genevois, avait aidé à son arrestation.

 

Pourtant, Calvin lui-même dans les premières années de la Réforme avait remis en question le dogme trinitaire catholique [72]. Le Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1977-1988, volume B1, p. 1016, le constate : « A la mort de son père, il [Calvin] revient à Paris. Il paraît, dès ce moment, acquis à la réforme. Il rédige pour le Recteur de l’Université de Paris, Nicolas Cop, à l’occasion de la rentrée solennelle des Facultés (1er novembre 1533), un discours jugé hérétique, à la suite duquel le Recteur s’enfuit. Lui-même juge prudent de se retirer à Poitiers, à Angoulême, enfin à Nérac, sous la protection de la reine de Navarre. »

 

Et Jean Baubérot d’ajouter dans son Histoire  du protestantisme : « Et si Calvin se montre farouche adversaire des antitrinitaires, il s’est trouvé lui-même accusé d’être en délicatesse avec la doctrine de la Trinité. »[73]

 

Maintenant, il pourchasse Servet pour une idée que lui-même a partagée avec lui à un moment. Où Servet peut-il aller? Peut-être sait-il qu’il a un petit groupe de partisans dans le nord de l’Italie. Toujours est-il que, sans cesser de se cacher, il décide de s’y rendre. Cependant, passant par Genève, il est reconnu malgré son déguisement. Devant les autorités de la ville, Calvin le charge et use de son influence pour qu’il soit exécuté.

 

C’est ainsi que le 27 octobre 1553, il est brûlé vif, un de ses livres attaché à la cuisse. Il refuse de se rétracter. Dans d’horribles souffrances, il meurt rôti à petit feu. Son supplice se prolonge pendant plusieurs heures. Il est clair que Calvin veut frapper définitivement les esprits qui seraient encore tentés de remettre en question la doctrine de la Trinité [74]. Agonisant, Michel Servet prie pour ses exécuteurs. Calvin en éliminant de manière si cruelle celui qu’il considère comme son pire ennemi va, en fait, provoquer une réaction complètement inverse. Certaines des personnes qui assistent à ses derniers moments, saisies par ce spectacle, cessent de croire en la Trinité [75] et se mettent à propager dans toute l’Europe les idées antitrinitaires de Michel Servet.

 

Cette année 2003 marque le 450ème anniversaire de la mort de Michel Servet. C’est à cette occasion que le livre Les Témoins de Jéhovah - Pour un christianisme original est paru. Cet ouvrage est d’ailleurs dédié « A la mémoire de Michel Servet, brûlé vif pour son attachement obstiné à ses croyances chrétiennes antitrinitaires, à l’occasion du 450ème anniversaire de sa mort, le 27 octobre 1553, à l’age de 42 ans ».

 

Pour cette commémoration, il faut signaler aussi le Colloque international Michel Servet « Michel Servet (1511-1553), Hérésie et pluralisme XVIe-XXIe siècles » organisé conjointement par le Centre d’études des religions du Livre et le Groupe de sociologie des religions et de la laïcité. Il sera l’occasion de commémorer la double condamnation à mort pour hérésie de Michel Servet (de façon presque simultanée par le Magistrat à Genève et l’Inquisition à Vienne) et son exécution le 27 octobre 1553 à Genève. Ce colloque international est organisé à l’initiative de deux enseignants-chercheurs de la section des sciences religieuses de l’EPHE, Bernard Roussel et Valentine Zuber, qui proposent d’approfondir le débat sur la gestion du pluralisme religieux au cours de l’histoire occidentale. Deux axes de réflexion seront privilégiés : Dans un premier temps, il s’agira de faire l’inventaire des études académiques consacrées à Michel Servet et le milieu dans lequel il a étudié et travaillé d’un point de vue historique et historiographique. Ce qui conduira, dans un deuxième temps, à s’interroger sur l’évolution des rapports entretenus entre orthodoxie et hétérodoxie religieuses dans l’histoire moderne et contemporaine du christianisme.

 

Enfin, devrait paraître cette année la traduction française par un groupe d’universitaires du De trinitatis Erroribus.

 

Six ans après l’exécution de Michel Servet, « Le premier synode des Églises réformées a lieu à Paris, en 1559 (…). » Jean Baubérot précise : « Le synode adopte une confession de foi qui sera définitivement établie en 1571 au synode de La Rochelle. La Confession de La Rochelle veut montrer le caractère chrétien (maintien des dogmes trinitaires et christologiques) et protestant (justification par la foi, souveraineté de l’Écriture, définition nouvelle de l’Église) des Églises réformées. »[76]

 

Ainsi, le protestantisme orthodoxe nie sa composante antitrinitaire et réaffirme le vieux Dogme comme s’il était une caractéristique absolue du christianisme, ce qui, nous l’avons vu, ne fut pourtant jamais le cas, au moins avant le début du processus de dogmatisation progressive engagé au quatrième siècle.

 

Jean Baubérot explique : « (…) Luther, Calvin et les autres veulent retrouver – avec les moyens intellectuels dont ils disposent – une sorte de pureté des origines en débarrassant le christianisme des scories qui s’y seraient ajoutées de façon indue. Le mouvement est donc inversé, il s’agit maintenant de trier, d’épurer. (…) La Réforme se veut un retour au « pur Évangile ». En fait, son objectif consiste à reprendre les grandes affirmations des Conciles œcuméniques, en postulant leur fidélité au donné biblique. Ceux qui veulent aller plus loin ou ailleurs : les anabaptistes, les sociniens, etc. seront alors marginalisés, combattus par le protestantisme dominant comme par le catholicisme. »[77]

 

Ainsi, les Réformateurs protestants considèrent que la Trinité n’est pas une « scorie » parce qu’ils posent l’hypothèse, hypothèse qu’ils considèrent comme indiscutable, que les conciles dits « œcuméniques » à partir de celui de Constantinople en 325, sont des conciles authentiquement chrétiens. Pourtant, encore une fois, on ne peut que constater l’éloignement des conclusions de ces conciles des enseignements du « pur Évangile ». En tout cas, c’est ce que pensent ceux qui veulent aller plus loin dans le travail de « tri » et d’« épuration ».

 

Ainsi, les protestants antitrinitaires, minoritaires et persécutés, ne renoncent pas. Leur résistance spirituelle pour le retour à la foi en un Dieu unique se poursuit, inexorablement. Et en marge du protestantisme qui se structure progressivement dans une nouvelle Église orthodoxe, ils maintiennent leur position. Le protestantisme orthodoxe (trinitaire) constate, malgré tous ses efforts pour la combattre, que son aile gauche antitrinitaire non seulement ne disparaît pas, mais s’organise et se structure en Église libre et autonome.

 

Monsieur Bernard Roussel, dans son article intitulé Unitarisme dans l’Histoire du Christianisme publié en 2000 par l’encyclopédie Universalis et Albin Michel relate que « C’est en Transylvanie que le terme « unitarien », qui occulta les autres, fut forgé : le calviniste P. Melius l’employa lors de l’importante dispute de Gyulafehérvar (1568) ; et, en 1600, la Diète de Léczàlva reconnut les droits de la « religion unitarienne ». La rencontre de Biandrata, du calviniste Francis David et de Jacob Paléologue conduisit à l’organisation de l’Église unitarienne dans cette région. »[78]

 

Les sociniens, les unitariens, quoique combattus et persécutés, persistent dans leur foi en un Dieu unique, non trin. L’Angleterre puis les États-Unis constituent un terreau favorable à la survie de ces mouvements. Au XVIIIe, certains membres d’églises protestantes et anglicanes sont gagnés aux idées antitrinitaires. Développant une croyance chrétienne en même temps qu’une identité nationale américaine, leur réveil religieux donne naissance à des groupes chrétiens de plus en plus structurés et identifiés qui, pour certains, réimplantent, comme un juste retour vers leurs origines, le christianisme antitrinitaire en Europe. Au point que le christianisme antitrinitaire est aujourd’hui de nouveau représenté, organisé et actif dans l’ensemble des pays européens dont ceux-là même qui furent son berceau..

 

3. Les Témoins de Jéhovah

Aujourd’hui, il existe en France plusieurs groupes chrétiens officiellement antitrinitaires : les Témoins de Jéhovah (largement majoritaire) représenté par Monsieur Jean-Marie Bockaert, Président du Consistoire national des Témoins de Jéhovah de France; le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque (MMIL) représenté par son Président, Monsieur Gilbert Hermetz, les Amis de l’homme dont le représentant français est Monsieur Roland Menbert ; et enfin, l’Association Unitarienne Francophone (AUF) représenté par son Président, Monsieur Jean-Louis Buchert.

 

L’histoire des antitrinitaires est faite d’exclusion, de rejet, de luttes, de combats, de résistances, de persécutions. Comment expliquer qu’il y a encore aujourd’hui des chrétiens antitrinitaires ? Se pourrait-il que, sur un plan psychologique, la foi en un Dieu unique, clairement identifié et nommé, donne à ceux qui la nourrissent une force morale exceptionnelle ? Cela pourrait-il expliquer leur résistance spirituelle acharnée et leur refus du compromis ? 

 

Le professeur Émile Durkheim, dans Formes élémentaires, écrit en 1912 : « Le fidèle qui a communié avec son dieu n’est pas seulement un homme qui voit des vérités nouvelles que l’incroyant ignore ; c’est un homme qui peut d’avantage. Il sent en lui plus de force soit pour supporter les difficultés de l’existence soit pour les vaincre. Il est comme élevé au dessus des misères humaines parce qu’il est élevé au dessus de sa condition d’homme ; il se croit sauvé du mal, sous quelque forme, d’ailleurs qu’il conçoive le mal. Le premier article de toute foi, c’est la croyance au salut par la foi. »[79]

 

Le cas des Témoins de Jéhovah est intéressant dans cette optique. En 1931, les Étudiants de la Bible changent de nom et prennent celui de Témoins de Jéhovah, réaffirmant ainsi nettement leur unitarisme, leur foi en un Dieu unique, non trinitaire. C’est sous ce nom qu’ils vont entrer en conflit direct avec le nazisme. Dès 1933, ils sont interdits en Allemagne. Ils seront ensuite cruellement persécutés, par le national-socialisme jusqu’à sa chute, puis par le socialisme soviétique ; tout en continuant à être marginalisés et même opprimés par le christianisme trinitaire[80].

 

Valentine Zuber, dans son article La tolérance au XVIe siècle ? Un siècle d’historiographie, publié dans Historiens-Géographes, n° 343 prône un changement dans la tolérance : « Au XXe siècle, après le formidable ébranlement des convictions qu’a représenté la seconde Guerre mondiale avec son cortège de crimes jusqu’alors impensables, les termes ne peuvent définitivement plus se poser dans une dialectique réductrice entre la Vérité et l’Erreur. A défaut de pouvoir persuader ou éliminer son adversaire religieux, il faut donc le tolérer et par un processus de pensée nouveau, transformer cette tolérance nécessaire en vertu agissante. Il est donc plus que jamais nécessaire en tant qu’historiens de relativiser notre appréciation de la tolérance lorsque nous nous penchons sur le passé, et en particulier sur la passé des confessions chrétiennes, alors que celui-ci continue malgré tout à nous interpeller souvent tragiquement. »

 

Le mouvement des Témoins de Jéhovah, représentatif du christianisme antitrinitaire, fort de son passé et attaché à un Dieu personnel, peut-il s’intégrer dans le paysage religieux français ? Sur un plan sociologique, est-il intégrable ?

 

Ce mouvement religieux minoritaire que sont les Témoins de Jéhovah peut être un analyseur de la situation socio-religieuse de la France, et notamment du fonctionnement du pluralisme religieux à l’aube du troisième millénaire. Controversé dans son propre camp, celui des chrétiens, à cause de son refus de la Trinité, il est aussi sévèrement attaqué par un lobby hétéroclite constitué d’associations dites « anti-sectes », psychanalyste, prêtres, poignée de députés de droite et de gauche, dans un front disparate mais unis pour la disparition d’une marge chrétienne qui a su garder un certain dynamisme évangélique.

 

Les Témoins de Jéhovah – Pour un christianisme original

Nés dans le terreau protestant anglo-saxon, les Témoins de Jéhovah sont désormais implantés dans tous les pays du monde avec une nette prédominance dans les pays de forte tradition catholique. Leur histoire est faite de persécutions et de lutte, de résistance spirituelle acharnée pour la survie de leur foi unitarienne, la foi judéo-chrétienne en un Dieu unique (YHWH, Jéhovah) créateur tout-puissant du ciel et de la terre, Père du Seigneur Jésus-Christ, Fils unique-engendré de Dieu. Les Témoins de Jéhovah sont constitutifs d’un protestantisme minoritaire et ont plus d’un siècle d’existence derrière eux aujourd’hui.

 

Rien que leur nombre et leur présence en France aurait justifié le choix de leur étude approfondie. Mais, leur dynamisme face à l’opposition, leur refus du compromis, leur désir opiniâtre d’obtenir une reconnaissance officielle et leurs pleins droits conformément à la loi française sur la séparation des Églises et de l’État, interpellent plus encore.

 

L’étude de leur mode d’organisation ecclésiale, de leurs croyances, de leur rôle d’analyseur du fonctionnement du pluralisme religieux en France et en comparaison avec d’autres pays européens, étude présentée dans Les Témoins de Jéhovah - pour un christianisme original peut apporter des éléments de réponse à cette question décisive : Qui sont vraiment les Témoins de Jéhovah ? Peuvent-ils réellement faire partie intégrante du paysage socio-religieux français ? A l’aide des méthodes scientifiques, historiques et sociologiques, l’auteur a tenté de tracer un contour précis de ce groupe religieux minoritaire chrétien protestant proche du pôle évangélique, ainsi que ses caractéristiques.

 

Ces chrétiens se veulent des partisans d’un renouveau. Pierre Liégé commente[81] : « Les artisans de ce renouveau estiment qu’un retour à l’originalité du christianisme, accompagné d’une réinvention du langage évangélique pour aujourd’hui, fourniront des modèles chrétiens qui parleront à l’homme de la nouvelle culture. (…) Cette entreprise de renouveau apparaît intéressante et vraisemblable (…) Si l’entreprise réussit - et il faudra du temps pour en juger – il sera manifeste que la révélation chrétienne de Dieu est vraiment originale et particulièrement parlante pour l’homme devenu adulte, que le christianisme se distingue assez profondément des multiples formes, aujourd’hui menacées, du ait religieux. »

 

L’histoire et la sociologie de l’antitrinitarisme et particulièrement des Témoins de Jéhovah est une mine pour les chercheurs en Sciences religieuses. Le sujet, on l’a vu, a jusque là été peu travaillé par les universitaires et pourtant il ne manque pas d’être passionnant. Il faut donc souhaiter qu’il soit plus approfondi. Il semble que de jeunes chercheurs s’y attaquent aujourd’hui.

 

Il faudra certainement dans l’avenir continuer d’observer les travaux historiques et sociologiques, fouillés et dotés d’une caution scientifique, produits sur ce thème par nos hautes institutions de recherches en sciences des religions tels que l’Ecole Pratique des Hautes Études (EPHE) qui pilote maintenant l’Institut Européen de Sciences des Religions (IESR), le Centre d’Études des Religions du Livre (CERL), le Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité (GSRL) qui est une coopération à la fois de l’École Pratique des Hautes Études et du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS). Le GSRL travaille sur un axe Groupes Religieux Minoritaires dirigé par Monsieur Patrice Rolland, professeur à l’Université Paris XII-Val de Marne, L’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), l’Association Française de Sciences sociales des Religions (AFSR).

 

Bien sûr, d’autres institutions travaillent dans ce domaine et malheureusement on ne pourrait pas les citer toutes ici mais l’on peut particulièrement signaler L’Université Européenne de Lille 3 – Charles de Gaulle au sein de laquelle se préparent des travaux universitaires de troisième cycle supervisés par Monsieur Jacques Prévotat, Professeur d’histoire contemporaine et Directeur du DEA et Patrice Canivez, Professeur de Philosophie et Directeur de l’École Doctorale TESOLAC / Temps et Société Langues et Cultures, travaux portant sur les Sciences des religions, l’Histoire religieuse, l’Analyse des phénomènes interculturels, la Sociologie des religions, la Sociologie des non-conformismes religieux et des différenciations du Christianisme, la Sociologie des mouvements dissidents dont Régis Dericquebourg est d’ailleurs le Directeur de recherche.

 

Un gros travail de recension des travaux universitaires portant sur le christianisme unitarien en général et sur les Témoins de Jéhovah en particulier est encore à produire et là encore nul doute que ce champ de recherche apportera beaucoup à la connaissance approfondie d’un pan entier des sciences humaines.

 

Je vous remercie de votre attention.

 


[1] Langlois C., Dubois J.D., Présentation de la Section des Sciences religieuses, Site internet de l’École Pratique des Hautes Études, interrogé le 04 janvier 2000, http://www.ephe.sorbonne;fr/presentsr.htm

[2] J. Baubérot, J. Béguin, F. Laplanche, E. Poulat, C. Tardits, J.P. Vernant, Cent ans de sciences religieuses en France à l’École Pratique des Hautes Études, Paris, Cerf, 1987, pp.49-78 : «  « Sciences religieuses », l’expression est, en France, une appellation contrôlée et comme une marque déposée, même si l’usage actuel n’en montre pas grand souci. C’est en effet le nom donné en 1885 par le parlement français à la Ve section de l’Ecole pratique des hautes études dont il décidait la création, voici un siècle (…), sciences religieuses (…) tout comme on dit alors « sciences politiques » et « sciences sociales ». Le décret présidentiel du 30 janvier 1886 institue la cinquième section de l’EPHE dite des sciences religieuses. Un de ses buts est « la compréhension des phénomènes religieux introduite par l’approche sociologique ». Louis Liard, vice-recteur de l’Académie de Paris s’exprime sur la section lors de son dixième anniversaire : « En organisant la Section des sciences religieuses, l’État (…) voulait grouper un certain nombre d’esprits compétents, élevés, sincères, capables d’envisager les phénomènes religieux en eux-mêmes, avec les procédés de la méthode historique et critique ( …) ». Après plus d’un siècle d’existence, « la section a vu le nombre de ses chaires passer de douze (la moitié pour le christianisme) à quarante-trois (dont moins du tiers pour les « christianologues »). Elle s’est ouverte, réellement, à tous (…), elle a trouvé un public (…), elle a délivré un diplôme recherché, sanctionnant des thèses de haut niveau. Elle a fondé une Bibliothèque de sciences religieuses qui, en 1916, arrivait à son trentième volume. Et depuis, son histoire continue… »

[3] idem, p.1.

[4] ibidem, p.2. « Les circonstances qui ont présidé à la naissance en 1886 de la Section des Sciences religieuses méritent une égale attention : au moment où la IIIè République laïcisait les contenus (par la suppression du catéchisme) et les personnels de l’enseignement primaire public, elle accordait sa garantie à la création d’un centre nouveau destiné à l’étude des religions dans leurs origines et dans leurs variétés. »

[5] ibid., p.2. « L’originalité institutionnelle de la Section des Sciences religieuses tient tout à la fois à ses origines et à son histoire, par la reconnaissance récente aussi de l’EPHE comme grand établissement de l’Enseignement supérieur. Dans ce cadre, la Section des Sciences religieuses est ouverte à tous, auditeurs libres et élèves ; elle délivre un diplôme propre, de grande renommée internationale, et dont le tout récent aménagement le rend capable, demain, à la fois de qualifier une première recherche scientifiquement définie et d’accorder la reconnaissance à une œuvre originale de maturité. »

[6] ibid., p.3. « On ne trouve, en effet, aucune autre institution interrogeant ainsi le fait religieux sous ses aspects à la fois philologiques et archéologiques, historiques et juridiques, philosophiques et littéraires, anthropologiques et sociologiques, sans aucune prétention d’encyclopédisme mais avec la seule exigence d’utiliser une méthodologie rigoureuse. En nul autre lieu, il n’est possible d’étudier ensemble les religions anciennes disparues et celles, contemporaines, toujours vivantes ; de s’interroger sur ce qui fait l’originalité historique, philosophique et théologique des trois grands monothéismes – judaïsme, christianisme, islam – et de prendre la dimension de la diversité religieuse (…) ; de s’interroger enfin sur les marges religieuses, sur les formes de dissidences, sur les modalités même de sortie de la religion.»

[7] ibid., pp.3, 4. « Enfin, la Section des Sciences religieuses (…) a des liens anciens et toujours renouvelés avec son aînée, la section d’Histoire et de Philologie de l’EPHE et, sa cadette, l’EHESS, comme avec l’Institut et le Collège de France ou encore, pour ses orientalistes, avec l’École Française d’Extrême-Orient. Elle a un partenariat privilégié avec le CNRS : actuellement, elle compte six UMR, URA ou autres équipes de recherches CNRS, sans compter quatre GDR. Par les contrats passés avec des universités étrangères ou avec des centres étrangers de recherche dans des cadres contractuels européens (Erasmus, Socrates) ou par des ententes bilatérales, elle permet des invitations et des échanges, de courte ou de longue durée, en direction de Leyde, de Genève ou de Lausanne, de Haïfa, de Pékin ou de Tokyo, pour ne citer que quelques récents contrats signés. »

[8] ibid., p.4.

[9] J. P. Willaime,  Sociologie des religions, Paris, PUF, 1995, p. 3.

[10] idem, p. 11.

[11] « Le Royaume des cieux ressemble à une graine de moutarde qu’un homme a prise et semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les graines ; mais quand elle a poussé, c’est la plus grande de toutes les plantes : elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux viennent faire leurs nids dans ses branches . » BFC, Matthieu 13, 31-32.

[12] S. Kot, Le mouvement antitrinitaire au XVIe et au XVIIe siècle, in Becker B. (sous la direction de, professeur à l’université d’Amsterdam), Autour de Michel Servet et de Sébastien Castellion, Haarlem, I. D. Tjeenk Willink & Zoon N. V., 1953, pp. 16-17.

[13] A. De Groot, L’antitrinitarisme socinien, Études théologiques et religieuses, 61e année, 1986/1, p. 51. Aart De Groot intervient en tant qu’historien de l’Église à l’Institut théologique de l’Université d’Utrecht.

[14] CH, Luc 2, 21.

[15] CH, Luc 2, 22-24, 39, 40.

[16] CH, Luc 2, 41, 42.

[17] CH, Luc 2, 42, 52. Le Monde de la Bible explique ces coutumes, p.197: « « Les grandes occasions » : La naissance d’un bébé, coutumes, cérémonies », p. 198 : « Du temps de Jésus, on considérait un garçon comme un homme à son 13e anniversaire. Au cours d’un service spécial, il devenait Bar Mitzwa (« fils de la loi »). Auparavant, il avait appris à lire les passages de la loi et des prophètes qui allaient être lus à la synagogue, ce jour-là. Il devait en faire
lui-même la lecture lors de ce service. Puis le « rabbi » s’adressait à lui et invoquait sur lui la bénédiction divine (…). Le garçon était à présent un membre adulte de la communauté. Parfois, ses parents l’emmenaient déjà un an plus tôt pour qu’il puisse voir comment se déroulait ce genre de service. »

[18] CH, Luc 4, 14-22.

[19] CH, Luc 3, 23.

[20] CH, Marc 1, 4-6 ; Luc 3, 1-4, 15-18, 21-38.

[21] Le Monde de la Bible, pp. 151, 152, « Culte chrétien dans le Nouveau testament », « Arrière-plan juif, la cène, le baptême, la prière, Marana tha, abba, Amen, credos et cantiques. »

[22] Jean 1, 38 dit, selon la Bible de Jérusalem : « Jésus se retourna et, voyant qu’ils le suivaient, leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui dirent : « Rabbi – ce qui veut dire Maître -, où demeures-tu ? »

[23] CH, Exode 3, 15 : « Elohîm dit encore à Moshè : « Tu diras ainsi aux Bénei Israël : ‘IHVH, l’Elohîm de vos pères, l’Elohîm d’Abrahâm, l’Elohîm d’Is’hac et l’Elohîm de Ia’acob, m’a envoyé vers vous.’ Voilà mon nom en pérennité, voilà ma mémoration de cycle en cycle. »

[24] The Westminster Dictionary of the Bible (p. 287), « Je.ho’vah (jê-ho’và). The common Eng. pronunciation of the Heb. tetragram YHWH, one of the names of God (Ex.17: 15). »

[25] idem, p.287: « When the vowel points were added to the Heb. consonantal text, the vowels of ‘adonay and ‘élohîm were accordingly given to the tetragram. »

[26] G. Gertoux,  Un historique du nom divin, Paris, L’Harmattan, 1999, p.186.

[27] The Westminster Dictionary of the Bible, p. 287: « (…) The divine name Jah (Ps.89 :8, R.V. marg.) and the forms Yeho, Yo and Yah, Yahu, (…) occur constantly in proper names, as in the Heb. of  Jehoshaphat, Joshaphat, Shephatiah (…). »

[28] JE, Luc 3,1. La note explique : «  a) Comme en 1 5 et 2 1-3, Luc établit un synchronisme entre l’histoire profane et l’histoire du salut. Tibère a succédé à Auguste, 2 1, le 19 août de l’an 14 ap. J.-C. La quinzième année va donc du 19 août 28 au 18 août 29 (…). L’indication du v. 23 (…) souligne peut-être seulement que Jésus avait l’âge requis pour exercer une mission publique (…). »

[29] JE, Luc 10, 25-28 : « Et voici qu’un légiste se leva, et lui dit pour l’éprouver : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Il lui dit : « Dans la Loi, qu’y-a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ? » Celui-ci répondit : «  Tu aimeras le Seigneur [YHWY], ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même. » - « Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras ». »

[30] JE, Jean 14, 6 : « Jésus lui dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi. » »

[31] JE, Matthieu 10,7 ; Marc 1,15 ; Luc 10,9 ; 10,11.

[32] La Bible de Jérusalem, Les Évangiles synoptiques, Introduction : « Des quatre livres canoniques qui racontent « La Bonne Nouvelle » (sens du mot « Évangile ») apportée par Jésus-Christ, les trois premiers présentent entre eux de telles ressemblances qu’ils peuvent souvent être mis en colonnes parallèles et embrassés « d’un même coup d’œil » : d’où leur nom de « Synoptiques ». »

[33] Bible de Jérusalem, Matthieu 22, 37,38.

[34] Bible de l’Abbé Crampon, Deutéronome 6 : 5.

[35] JE, Matthieu 7, 12.

[36] JE, Matthieu 10, 1-4 ; Marc 3, 14-18.

[37] JE, Luc 10, 1.

[38] JE, Matthieu 28, 19-20.

[39] JE, Actes des Apôtres 9, 2 ; 19, 9, 23 ; 22, 4 ; 24, 22.

[40] JE, Actes des Apôtres 2.

[41] JE, Matthieu 9, 17.

[42] SE, Matthieu 16, 19. La note dit : « 4 (16 : 19) Ces clés ne sont pas les clés de l’Église, mais celles du royaume des cieux, selon le sens précisé au chap.13, c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui, à juste titre ou non, se réclament de Christ. La clé est un signe distinctif de pouvoir ou d’autorité (cp. Es. 22 : 22 ; Ap.3 : 7), L’histoire des apôtres explique cette fonction, tout en la limitant, car ce fut Pierre qui ouvrit la porte de l’accès à l’Évangile d’abord à Israël, le jour de la Pentecôte (Ac.2 : 38-42), puis aux païens, dans la maison de Corneille (Ac. 10 : 34-48). Pierre n’a pas prétendu à quelque autre autorité (Ac.15 : 7-11). Il semble que ce fut Jacques, non Pierre, qui présida le concile de Jérusalem (Ac.15 : 19 ; cp. Ga.2 : 11-14). Pierre ne revendique rien de plus que l’honneur d’être un apôtre par la grâce de Dieu (1 Pi. 1 : 1), et un ancien quant à ses fonctions (1 Pi. 5 : 1). »

[43] SE, Actes 10 : 1.

[44] SE, I Pierre 5 : 13.

[45] SE, Actes 13 : 1-5.

[46] SE, Actes 15 : 1, 2.

[47] SE, Actes 15 : 4-35. Une note dit (2 (15 : 19)) : « La portée de la décision dépasse le simple problème de la circoncision. Toute la question de l’application de la loi aux païens qui se convertissent à Dieu est en cause (v.5) ; or, il est décidé qu’ils sont dispensés des exigences de la loi (v.19, 28-29) (…). »

[48] SE, Actes 15 : 28, 29 : « Car il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d’autre charge que ce qui est nécessaire, savoir, de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de la débauche, choses contre lesquelles vous vous trouverez bien de vous tenir en garde. »

[49] SE, Philippiens 3 : 4-6.

[50] SE, Actes 24 : 5, 14.

[51] The Westminster Dictionary of the Bible, John Davis, Henry Snyder Gehman, Londres et New York, Collin’s Clear – Type Press, 1944, p.462: « (…) According to Eusebius, his death took place in A.D. 67; according to Jerome, in A.D. 68. (…) No doubt he was finally condemned to death simply because he was a Christian, in accordance with the policy begun by Nero in A.D. 64. Tradition relates that the apostle was beheaded, as became a Roman citizen, on the Ostian Way. »

[52] SE, Ephésiens 4 : 5.

[53] The Westminster Dictionary of the Bible, John Davis, Henry Snyder Gehman, Londres et New York, Collin’s Clear – Type Press, 1944, p.320: « (…) When he penned The revelation, probably c. A.D. 95, he was in the island of Patmos, an exile for the word of God and the testimony of Jesus (Rev.1: 9). The accession of Nerva (96) is said to have freed him from danger and enabled him to return to Ephesus. Polycarp, Papias, and Ignatius were his pupils. Polycarp’s disciple Irenaeus states that he continued to reside at Ephesus until his death in the reign of Trajan (98-117). »

[54] SE, Luc 22 : 70, 71 – 23 : 5.

[55] P. Liégé, Christianisme, Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopédia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.264, 265.

[56] A ce propos, Edwin Hatch dans L’influence des idées grecques sur le christianisme fait remarquer : « A l’origine, dans la sphère d’influence du christianisme, il ne semble pas que l’on soit allé bien au delà de ces conceptions toutes simples. La doctrine sur laquelle on insistait était que Dieu est, qu’Il est un, qu’Il est tout-puissant et éternel, qu’Il a fait le monde, que Sa miséricorde est sur toutes ses œuvres. On n’avait aucun goût pour la discussion métaphysique. »

[57] P. Liégé, Christianisme, Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopédia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.266.

[58] P. Liégé, Christianisme, Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopédia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.265, 266.

[59] H. I. Marrou, L’Église de l’Antiquité tardive 303-604, Paris, Seuil, 1963, p.13.

[60] S. Laurant, Pourquoi la secte de Jésus a gagné, L’Eglise – 2000 ans de pouvoir, Science & Vie junior, Dossier hors série, avril 1999, p.39.

[61] H. I. Marrou, L’Église de l’Antiquité tardive 303-604, Paris, Seuil, 1963, p.12.

[62] P. Saint-Yves (sous la direction de), G. Ortlieb (version française), L’Égypte des Pharaons, Collection Les Grands Empires, Paris, Robert Laffont, 1982, pp.72, 73.

[63] idem, p.72.

[64] H. I. Marrou, L’Eglise de l’Antiquité tardive 303-604, Paris, Seuil, 1963, p.17.

[65] D. Vallaud, Dictionnaire historique, Paris, Arhtème Fayard, 1995, p .234.

[66] idem, p.235.

[67] H.I. Marrou, Nicée, concile de (325), Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.707-710.

[68] M.Brecht, P. Bühler, Luther Martin (1483-1546), L’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.616-635. Martin Luther, né en Allemagne en 1483, ordonné prêtre à 23 ans, fait des études de théologie à l’université de Wittenberg. En 1512, il devient professeur d’exégèse dans cette ville. Il meurt à l’âge de 62 ans.

[69] A. Duval, Servet Michel, L’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, 2000, pp.981, 982. « Né en Espagne, à Villanueva de Sigena (province de Huesca) – et, à ce titre, connu sous le nom de Michel de Villeneuve-, Servet fit ses études à Saragosse et à Toulouse, puis gagna l’Italie ; secrétaire du confesseur de Charles Quint, il suivit ce dernier à Augsbourg et dès lors, en différentes villes d’Allemagne, rencontra plusieurs des réformateurs : Melanchthon, Bucer, Oecolampade, Capiton. »

[70] V.  Zuber, Pour en finir avec Michel Servet, Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, Tome 141, janvier-février-mars1995, p. 99. «  Son premier livre (Michel Servet, De Trinitatis Erroribus…, Johannes Setzer éd., Haguenau, 1531), paru alors qu’il n’avait que vingt ans, s’est attaché à démontrer que le dogme de la Trinité n’a aucun fondement dans les Ecritures. »

[71] A. Duval, Servet Michel, L’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, 2000, p. 981.

[72] Dictionnaire encyclopédique Quillet, Paris, Éditions Quillet, 1977-1988, volume B1, p. 1016 : « A la mort de son père, il [Calvin] revient à Paris. Il paraît, dès ce moment, acquis à la réforme. Il rédige pour le Recteur de l’Université de Paris, Nicolas Cop, à l’occasion de la rentrée solennelle des Facultés (1er novembre 1533), un discours jugé hérétique, à la suite duquel le Recteur s’enfuit. Lui-même juge prudent de se retirer à Poitiers, à Angoulême, enfin à Nérac, sous la protection de la reine de Navarre. »

[73] J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, p. 122.

[74] V. Zuber, Les conflits de la tolérance (XIXe – XXe siècles)  Michel Servet entre Mémoire et Histoire, Paris, École Pratique des Hautes Études (EPHE), section des Sciences religieuses, Thèse de Doctorat d’Histoire des Religions et des Systèmes de Pensée, 1er décembre 1997. « Quelques penseurs isolés à cette époque ont cependant essayé de souligner la valeur encore plus négative de l’intolérance comme Sébastien Castellion, qui a engagé une polémique avec Calvin, au lendemain de la condamnation de Michel Servet, sur l’opportunité de la mise à mort des hérétiques. »

[75] V. Zuber, Les conflits de la tolérance (XIXe – XXe siècles)  Michel Servet entre Mémoire et Histoire, Paris, École Pratique des Hautes Études (EPHE), section des Sciences religieuses, Thèse de Doctorat d’Histoire des Religions et des Systèmes de Pensée, 1er décembre 1997, Résumé, p. 4. Contrairement au destin de l’homme, l’œuvre théologique de Michel Servet n’a pas eu, elle, une très grande fortune. (…) Les rares groupes religieux qui se reconnaissent en partie dans ses idées trinitaires et antipédobaptistes, ne l’ont jamais considéré comme leur seul maître à penser. (…) En fait, certaines de ses idées lui ont survécu mais il n’a jamais eu de véritables disciples, qu’il n’avait d’ailleurs jamais cherché à regrouper. »

[76] J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, p. 30.

[77] J. Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, PUF, 1987, pp.121, 122.

[78] B. Roussel,Unitarisme, L’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, 2000, p.1026, 1027.

[79] E. Durkheim, Formes élémentaires, 1912, p.595, in J. P. Willaime,  Sociologie des religions, Paris, PUF, 1995, p. 18.

[80] V. Zuber, La tolérance au XVIe siècle ? Un siècle d’historiographie, Historiens-Géographes, n° 343, p. 291:« Au XXe siècle, après le formidable ébranlement des convictions qu’a représenté la seconde Guerre mondiale avec son cortège de crimes jusqu’alors impensables, les termes ne peuvent définitivement plus se poser dans une dialectique réductrice entre la Vérité et l’Erreur. A défaut de pouvoir persuader ou éliminer son adversaire religieux, il faut donc le tolérer et par un processus de pensée nouveau, transformer cette tolérance nécessaire en vertu agissante. Il est donc plus que jamais nécessaire en tant qu’historiens de relativiser notre appréciation de la tolérance lorsque nous nous penchons sur le passé, et en particulier sur la passé des confessions chrétiennes, alors que celui-ci continue malgré tout à nous interpeller souvent tragiquement. »

[81] P. Liégé, Christianisme, Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, Paris, Encyclopédia Universalis et Albin Michel, 2000, p. 270.

 

Référence universitaire pour citer cet article :

- Barbey Ph., Le christianisme unitarien, Michel Servet et les Témoins de Jéhovah, Focus sociologique, consulté le [date].

 

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